Rencontre avec le défenseur du Luxembourg Maxime Chanot, pour un entretien passionnant. Au micro de FIFA.com, il évoque son parcours qui l’a vu connaître les deux extrêmes d’une carrière dans le football. Après des années de galère, il côtoie aujourd’hui des champions du monde au New York City FC, et est devenu une pièce essentielle de Lions Rouges luxembourgeois.
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Maxime, avant d’entrer dans les détails, peut-on simplement dire que votre carrière pourrait faire l’objet d’un film ? C’est une carrière un peu atypique, mais je ne sais pas si je pourrais en faire un film, parce qu’on est beaucoup à avoir eu ce genre de carrière, c’est-à-dire avec du mal à décoller. Pour le coup, ça a pris un peu plus de temps de trouver un championnat qui me permette de me lancer. Mais aujourd’hui, j’ai trouvé une stabilité à New York, et c’est ce qu’il faut retenir.
Après des moments difficiles en début de carrière, avez-vous le sentiment d’être enfin arrivé là où tous les enfants rêvent d’arriver ? C’est exactement ça, c’est mon ressenti. Après avoir galéré quelques années, j’ai enfin trouvé la stabilité en Belgique pendant cinq ans, et grâce à ça, j’ai pu avoir mon transfert à New York. Aujourd’hui, je vis ce que j’ai toujours rêvé de vivre. Tout ce pourquoi j’ai commencé le foot quand j’étais enfant. Mais je ne suis pas encore satisfait de ma carrière parce que j’ai envie d’aller encore plus haut, je n’ai que 27 ans, ça me laisse encore de belles années, du moins j’espère. Mais pour l’instant, je suis satisfait de ce que j’ai fait.
Être entraîné par Patrick Vieira et jouer aux côtés de David Villa, Andrea Pirlo et, l’an dernier, de Frank Lampard, est-ce un grand changement par rapport à vos expériences précédentes ? C’est un sentiment spécial, dans le sens où j’avais d’autres opportunités que de venir à New York, que ce soit en Angleterre, en Italie, ou en Pologne, avec le Legia Varsovie qui jouait la Ligue des champions. J’ai dû faire un choix, et je l’ai fait par rapport au fait de pouvoir être entraîné par Patrick Vieira, de jouer avec des légendes vivantes, des gens qui ont tout gagné et qui peuvent m’apporter énormément. Et aussi pour la qualité et la stabilité du club. Ça a été un énorme changement sur le plan professionnel, j’apprends tous les jours de ces joueurs et de cet entraîneur qui ont une carrière exceptionnelle, et je suis vraiment content de ce choix.
Concrètement, qu’apprenez-vous de ces grands joueurs ? Ce qui m’a énormément surpris quand je suis arrivé, c’est leur humilité et leur modestie. Des gens qui ont tout gagné et qui ont joué avec les plus grands, qui se retrouvent aussi adeptes de pouvoir partager leur expérience. Ils pourraient se contenter de jouer et de garder leur expérience pour eux, mais ce sont des gens qui sont très ouverts et qui sont heureux de pouvoir partager, de donner des conseils. Et ce qui m’a impressionné, c’est leur force de travail. Ils pourraient se dire qu’ils ont tellement donné et gagné par le passé, que maintenant, ils peuvent venir ici pour se reposer. Mais quand je vois comment travaillent David et Andrea, et surtout Lampard qui m’avait le plus impressionné, ce sont les premiers à l’entrainement et ils partent quasiment les derniers. Malgré le talent, si on ne travaille pas, on n’y arrive pas. Si on veut aller au très haut niveau, il faut allier les deux, et ce sont les parfaits exemples.
Aujourd’hui, vous côtoyez de grands joueurs dans un club en pleine croissance, mais ce n’est pas forcément le cas pour beaucoup de joueurs luxembourgeois. Être Luxembourgeois peut-il être un frein dans une carrière, où les entraîneurs sont parfois réticents à donner leur chance à des joueurs d’un "petit" pays de football ? Je suis partagé. Quand je vois la qualité de notre équipe nationale, il y a énormément de joueurs qui méritent d’avoir leur chance dans un championnat européen plus huppé. On a un joueur, Laurent Jans, qui a eu du mal à sortir du Luxembourg. Maintenant il est en Belgique, et six mois après son arrivée, Bruges était sur lui. Ça prouve qu’il y a de la qualité. Mais parfois, un joueur qui vient du Luxembourg, un pays et un championnat pas très réputés, manque de crédibilité pour un club par rapport au recrutement. Mais on a la chance de pouvoir jouer contre de grandes nations et de grands joueurs, c’est une belle vitrine. Quand on sait qu’on est capable de faire un bon match contre les Pays-Bas ou l’Espagne, pourquoi ne serait-on pas capable de faire un bon match contre une équipe du top suisse, belge, portugais ou français ? On est en train de le prouver avec de plus en plus de joueurs qui commencent à s’expatrier.
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Votre groupe de qualification pour la Coupe du Monde de la FIFA, Russie 2018™ comprend notamment la Suède, la France et les Pays-Bas. Comment on aborde ce genre de match ? En essayant de ne pas prendre trop de buts, ou en essayant quand même de jouer ? Aujourd’hui, la façon dont le Luxembourg a évolué sur le plan du jeu, c’est important de la mettre en avant. Les gens qui sont venus nous voir jouer il y a quatre ou cinq ans seraient surpris, notre jeu ne ressemble plus du tout à ce qu’on faisait à ce moment-là. Notre entraîneur aime le jeu et a cette philosophie de jouer quelle que soit l’équipe en face de nous. C’est bien si on veut continuer à évoluer. On a des grosses équipes dans le groupe, c’est plaisant en tant que joueur. Mais on l’a prouvé, notamment contre la Suède ou les Pays-Bas, on ne se cache pas, on n’est plus une petite équipe qui reste à dix derrière. C’est ce que l’entraîneur prône. Mais gardons les pieds sur terre, on reste le Luxembourg, donc on sait qu’on va quand même subir les matches. Mais dans l’approche des matches, on est complètement différents de ce qu’on montrait il y a quelques années.
Parmi vos derniers matches, il y a un revers 3:4 en dernière minute en Bulgarie et une courte défaite 0:1 contre la Suède. Que manque-t-il au Luxembourg pour que ce genre de match se termine 4:3 ou 1:0 pour vous, et non pour l’adversaire ? C’est dommage parce que parfois, les résultats ne reflètent pas les matches qu’on fait. Quand on regarde le classement, on voit qu’on n’a qu’un point. Les gens qui ne connaissent pas le foot ou qui ne regardent pas nos matches doivent se dire que contre le Luxembourg, ça doit être simple, qu’ils doivent jouer à dix derrière. C’est ce qui m’embête un peu. On ne mérite d’être résumés à ce total de un point. Et c’était le cas aussi lors de notre dernière campagne de qualification pour l’Euro. Ce qui nous manque, c’est un peu d’expérience contre des équipes qui ont des joueurs capables de gérer ces temps forts et ces temps faibles, ce que nous avons encore un peu de mal à faire. Et surtout, il nous manque peut-être une pépite, ce joueur qui fait la différence, qui peut marquer ces buts au moment où il y en a besoin Quand on est à 3:3 marquer le quatrième, ou à 0:0 marquer le but vainqueur. Mais ça viendra peut-être avec le temps. On a de très bons jeunes qui sont en train de pousser derrière.
Est-ce possible de voir un jour le Luxembourg à une Coupe du Monde ou un EURO ? Il faut garder les pieds sur terre, si ça arrive, ça prendra très très très longtemps... Le football est un sport qui demande de la patience. C’est parfois mal compris de la part des supporters ou des gens extérieurs au terrain. On reste une toute petite nation avec beaucoup moins de joueurs et de qualité intrinsèque que les grands pays de football, avec un grand vivier. Mais pourquoi ne pas déjà commencer par faire de belles campagnes qualificatives, pas seulement sur le plan du jeu : il nous faut des points. Ça sera un bon début de prouver que l’écart entre nous et les bonnes équipes s’est rétréci. Et quand je vois une équipe comme l’Islande qui fait de grandes choses, je me dis pourquoi pas. Si on met quelque chose en place sur la durée, on peut aspirer à faire quelque chose. Mais c’est encore trop tôt pour nous, et ce serait présomptueux de dire que nous sommes capables de nous qualifier. Pas avec le nombre de points qu’on affiche en ce moment. Si on avait sept ou huit points, je dirais "pourquoi ne pas croire à l’impossible ?" Mais dans notre situation, il faut savoir rester mesuré. Aujourd’hui, on a peut-être le niveau pour avoir plus de points, quatre ou cinq, mais on n’a pas le niveau pour penser qu’on peut se qualifier.
Votre parcours international vous a tout de même permis de vivre de grands moments, comme vos buts contre l’Italie (1:1) ou les Pays-Bas (1:3). Quels souvenirs en gardez-vous ? C’est ce genre de moments pour lesquels on commence le football. Jouer dans des stades remplis, marquer contre les plus grands joueurs, c’est forcément quelque chose dont on rêve. Je suis très croyant et je remercie Dieu tous les jours d'avoir la chance de les vivre. Ça restera marqué pour moi et pour ma famille. Mais sur le plan collectif, les victoires contre la Grèce et contre l’Irlande du Nord, le match nul en Italie restent quelque chose d’intense. Ce sont des moments vraiment forts dans une carrière, et c’est pour ça qu’on continue à travailler dur avec l’équipe nationale, pour avoir la chance de vivre le plus de fois possible ces expériences.
Justement, en parlant de match avec pression, lors de votre match avec Sheffield Wednesday, vous dites avoir vécu un rêve juste parce que vous jouiez dans un stade plein… Et ça m’a fait la même chose en Belgique quand j’ai commencé à percer. Quand j’ai débuté le football, c’était vraiment ce qui me faisait rêver :** **jouer dans des grands stades remplis et avoir la reconnaissance du public. Et j’ai eu du mal pendant quelques matches à réaliser que ça y est, j’y étais arrivé. Cette première expérience à Sheffield, j’ai passé plus de temps à regarder les tribunes que le terrain. C’est aussi l’achèvement de tout le travail accompli pour pouvoir y arriver, parce que les heures de travail qu’il y a derrière mon parcours, je ne les compte même plus. Quand on arrive dans cette situation, c’est sûr qu’on le savoure.
Quand on commence à Sheffield à 17 ans, la suite logique c’est la confirmation en Premier League. Que s’est-il passé pour vous et comment êtes-vous passé de cette situation à des saisons difficiles au Mans et à Gueugnon ? N’aviez-vous pas le niveau ? Il faut être honnête. Si j’avais eu vraiment le niveau, j’aurais percé et j’aurais peut-être fait une carrière en Angleterre. Mais j’étais jeune, j’avais 17 ans, et quand on joue défenseur central en Angleterre, il faut beaucoup d’expérience. Psychologiquement, c’est peut-être ce dont j’ai manqué. J’étais prêt dans ma catégorie, j’en suis sûr, mais peut-être pas pour le niveau supérieur, le niveau professionnel. Après, il y a eu des mauvais choix. Mon retour en France a été une erreur. J’aurais dû être patient, et c’est ce qui a fait que j’ai galéré les années qui ont suivi jusqu’à que j’arrive à trouver une porte de sortie en Belgique. Mais je n’ai pas lâché l’affaire, et je pensais que j’avais les qualités pour réussir, et au final, ça marché.
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Avez-vous douté et pensé que vous ne joueriez peut-être plus jamais en pro, et que vous aviez laissé passer votre chance ? Des centaines de fois ! Le doute, ça fait partie d’une carrière de foot. Mais j’ai toujours entendu que le doute tuait,** **et je m’efforçais de me dire que j’avais malgré tout les qualités pour y arriver. J’ai vite cerné qu’une carrière de footballeur était compliquée. Mais à partir du moment où on accepte qu’il y a des hauts et des bas, on sait que dans les moments difficiles il ne faut pas lâcher, et que ça va payer tôt ou tard. J’ai travaillé plus dur que les autres, et ça a payé.
Aujourd’hui, vous êtes à New York, dans un club "glamour" avec des stars mondiales et d’excellentes conditions de travail. Mais vous avez aussi connu l’autre extrême du monde du football : des salaires impayés, des crédits, sous-louer votre appartement pour vous faire un peu d’argent... Avez-vous parfois l’impression d’avoir vécu la vie de deux personnes différentes ? Justement, c’est pour ça qu’aujourd’hui j’ai bien conscience de la chance que j’ai. Quand on a connu le vinaigre, on est obligé d’apprécier le miel ! C’est aussi grâce à ces difficultés que je suis devenu l’homme que je suis aujourd’hui. Si je n’étais pas passé par là, je n’aurais peut-être pas les mêmes valeurs. Je suis content d’avoir connu ces galères, parce que j’ai le sentiment d’apprécier encore plus ce que j’ai aujourd’hui et ce que j’ai fait pour y arriver. J’ai eu la chance malgré tout d’avoir ma femme qui était derrière moi et qui a pu m’aider quand c’était compliqué, et j’ai eu la chance de ne jamais avoir à travailler pour pouvoir toujours me concentrer sur le football. C’est aussi peut-être grâce à ça que j’y suis arrivé. Ça fait maintenant 10 ans que je suis professionnel et j’ai eu la chance de ne jamais eu avoir à faire autre chose pour vivre.
Quels sont les rêves qu’il vous reste à accomplir ? Ma vie et ma carrière m’ont appris une chose : de ne pas faire de scénario ! Je m’étais fait une certaine carrière dans ma tête quand j’étais en Angleterre, avec une suite logique, et ça ne s’est pas passé du tout comme je l’imaginais. Donc j’ai plutôt tendance à être prudent, et je me donne à fond, je travaille très dur à chaque entraînement, et Dieu décidera ce que je dois faire. Mais en football, on veut toujours connaître ce qu’il y a un peu plus haut… Donc pourquoi pas découvrir un des championnats majeurs ? Mais à chaque fois que j’ai fait des plans, ça ne s’est jamais passé comme je voulais. Je suis content avec ce que j’ai, et je pense avoir encore une marge de progression. A 27 ans pour un défenseur central, on entre dans la fleur de l’âge.
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