dimanche 10 juillet 2016, 13:56

Rubens Salles, capitaine resté au port

Quand les Anglais du Corinthian FC se sont rendus au Brésil, en 1910, en plus d’explorer de nouveaux territoires, ils ont bien cru qu’ils pourraient rentrer à la maison avec un renfort de qualité en la personne du talentueux Rubens de Moraes Salles, surnommé Rubens Salles, milieu de terrain du CA Paulistano.

Voici ce qu’en dit le journal "O Estado de S.Paulo" dans sa nécrologie. "Le responsable de la délégation britannique a tellement apprécié Rubens qu’il lui a fait parvenir une proposition extrêmement intéressante pour le convaincre de rejoindre une équipe professionnelle". Très flatté par cette offre, le joueur l’a tout de même refusée dans la foulée, pour le grand bonheur des supporters brésiliens. En restant à São Paulo, le jeune joueur de 20 ans allait devenir l’une des figures d’un sport en plein essor dans ce pays qui deviendrait quelques décennies plus tard la maison du football.

Dans le genre pionnier, Rubens Salles est même allé plus loin. Non content de faire partie des premiers footballeurs brésiliens à recevoir une proposition d’un club étranger, il a été le premier capitaine de son équipe nationale. Disputé en 1914, ce match amical oppose la Seleçao à Exeter City, autre club anglais. Mais en plus de porter le brassard, Rubens se partage aussi le rôle d’entraîneur avec le défenseur Sylvio Lagrecca, le tout à 23 ans ! Cette même saison, comme si cela ne suffisait pas, il va marquer le but de la victoire lors du premier match international du Brésil, ni plus ni moins que contre l’Argentine. Ce succès offre également à l’équipe auriverde la Copa Roca, son premier titre international.

Coup de pied atomique Cette rencontre se dispute à Buenos Aires un 27 septembre, soit deux mois après le choc contre Exeter. Et son but, Rubens l’inscrit à la 13ème minute, d’une frappe lointaine qui décrit une improbable parabole et surprend le portier local, Juan José Rithner. Cela explique pourquoi ses coéquipiers vont le surnommer "Patada Atômica" (coup de pied atomique), sobriquet que recevrait plus tard un autre grand nom du football brésilien, Roberto Rivelino, champion du monde en 1970.

Toutefois, la carrière internationale de Salles sera assez courte. Il ne disputera en effet que trois autres matches avec le maillot verdeamarelho, raccrochant les crampons en 1917. Cela ne réduit en rien son influence sur la discipline, puisqu’il restera au plus près du terrain en tant qu’entraîneur. En 1931, il accompagnera notamment le club de São Paulo FC jusqu’à son premier titre, le championnat d’État. Ce dernier exploit survient néanmoins à peine trois ans avant son décès, à 53 ans.

Né à São Manuel, ville située à 270 km de São Paulo, Rubens Salles commence à taquiner le cuir dès le plus jeune âge, vers les 11 ans, avec ses copains d’internat. Il n’a jamais vraiment reçu de formation et l’on peine encore aujourd’hui à identifier cerner l'étendue de son talent. Car s’il était doté d’une technique extraordinaire balle au pied, l’homme avait aussi des capacités innées dans la conduite d’un groupe.

Sa nécrologie de "O Estado de S.Paulo" semble elle aussi avoir du mal à trancher. "Après son départ en retraite, plusieurs joueurs au profil plus physique se sont fait remarquer. Mais aucun d’eux n’avait l’originalité et l’élégance de Rubens", explique le journal. "Il ne transigeait jamais avec l’idée de la solidarité. Dans les heures fugaces suivant une victoire, Rubens Salles exigeait souvent que son nom disparaisse pour que ses partenaires reçoivent eux aussi leur lot d’applaudissements et de remerciements."