Zied Jaziri est heureux. Son coéquipier Jose Clayton vient d'effectuer un centre-tir puissant dans les six mètres du Maroc. Le gardien des Lions de l'Atlas Khalid Fouhami plonge pour intercepter le ballon mais rate sa prise de balle pour le plus grand bonheur du Tunisien, qui n'a plus qu'à pousser le cuir au fond des filets. Aux anges, l'attaquant enlève son maillot et se précipite vers les tribunes d'un stade de Radès en délire, alors que les cris de joie du public sont repris en cœur par toute une nation.
En ce jour de Saint-Valentin 2004, Maroc et Tunisie s'affrontent en finale de la Coupe d'Afrique des Nations de la CAF et le but de Jaziri à la 52ème minute va entrer dans l'histoire du football tunisien. Les Aigles de Carthage courent après un premier sacre continental depuis près de 40 ans. En 1965, ils ont atteint la finale et semblaient bien partis pour soulever le trophée chez eux, à Tunis, mais le Ghana en a décidé autrement. En 1994, la CAN est revenue en Afrique du Nord, mais le pays hôte a été éliminé dès la phase de groupes.
À la tête de l'équipe en 2004, Roger Lemerre a la lourde tâche de mettre fin à cette disette. Le Français, adjoint d'Aimé Jacquet pendant la Coupe du Monde de la FIFA, France 1998™, mise notamment sur Francileudo Santos, auteur de trois buts lors des deux premiers matches, mais muet le reste de la compétition. Pourtant, c'est lui qui ouvre le score en finale, moins de cinq minutes après le coup d'envoi. À la réception d'un corner mal dégagé par la défense marocaine, Mehdi Nafti renvoie le ballon dans la surface, où Santos s'élève pour tromper de la tête un Fouhami impuissant.
Ils ont marqué l'histoire
La Tunisie maintient la pression et manque de faire le break en première période, mais Santos rate une occasion en or. La tentative d'Adel Chadli passe au-dessus et Jaziri, bien parti, est signalé hors-jeu. Revigorés par le manque de réalisme tunisien, les Marocains égalisent au grand dam des supporters locaux. Abdelkrim Kissi pique le ballon dans le dos d'une défense tunisienne jusque-là irréprochable. Youssef Hadji récupère la balle et adresse un centre parfait en direction de Youssef Mokhtari, qui remet les compteurs à zéro d'une superbe tête plongeante.
Assommés, les hôtes voient rejaillir le spectre de la finale de 1965. Mais les craintes tunisiennes sont de courte durée. En début de seconde période, Jaziri libère les 60 000 spectateurs. "Je tiens à remercier tous les joueurs", lâche un Lemerre ému après la rencontre. "Ils ont respecté mes consignes dès le départ et ils ont marqué l'histoire."
De son côté, le gardien Ali Boumnijel s'est imposé comme l'une des figures marquantes de ce tournoi, en détournant notamment le penalty de Peter Odemwingie lors de la séance de tirs au but disputée en demi-finale face au Nigeria. Né moins d'un an après l'échec de 1965, le portier tunisien a effacé l'image d'une équipe incapable de s'imposer à l'échelle internationale. "C'est le fruit d'années de dur labeur", se réjouit Boumnijel après le sacre. "Ce groupe n'a jamais douté et nous avons enfin inscrit une ligne au palmarès de la Tunisie."