À l'occasion de l'anniversaire de la naissance de Johan Cruyff le 25 avril 1947, FIFA.com retrace la carrière du mythique maestro néerlandais, disparu en 2016.
Rares sont les joueurs considérés à l'égal des Pelé, Beckenbauer et Maradona. Johan Cruyff fait partie de cette caste, bien qu'il n'ait jamais remporté le titre mondial et qu'il n'ait participé qu'à une seule Coupe du Monde de la FIFA. Le talent naturel du maître néerlandais était tel qu'il s'est taillé une place indiscutable au panthéon du football.
Cruyff a passé son enfance dans l'ombre du stade et du terrain d'entraînement de l'Ajax Amsterdam, où sa mère travaille. Quant à son père, il meurt d'une crise cardiaque alors que Johan n'a que 12 ans. Dès son plus jeune âge, le garçon trouve sa raison d'être : devenir footballeur professionnel. A sept ans, il commence à s'entraîner en club, avant de quitter l'école à 13 ans pour se consacrer exclusivement au sport, au grand désespoir de sa mère.
C'est le légendaire entraîneur Rinus Michels qui détecte en premier ce jeune joueur au talent évident mais à la charpente un peu trop fragile. Il lui concocte donc un programme destiné à étoffer un physique un peu juste pour supporter les rigueurs du football professionnel. Cruyff fait ses débuts en équipe première à 17 ans. Deux ans plus tard, en 1966, il remporte le premier des neufs titres de champion des Pays-Bas qu'il va accrocher à son palmarès.
Une légende de l'Ajax
Il se fait vite un nom dans le football international. C'est que sa rapidité, son élégance, sa technique et sa disposition à participer au travail défensif ne passent pas inaperçues. Cruyff superpose à merveille les costumes de meneur de jeu, de redoutable chien de garde et de pourvoyeur de munitions distillées dans un timing quasiment parfait.
Leader sur le terrain, Cruyff est également un personnage hors norme dans la vie. Sûr de lui et parfois buté, il n'est pas du style à mâcher ses mots pour arrondir les angles. D'ailleurs, cette franchise ne joue pas toujours en sa faveur puisqu'il est démis de son brassard de capitaine de l'Ajax en 1972 suite à un vote de défiance de ses coéquipiers. Sa réputation d'arrogant, il la doit également à quelques déclarations telles que : "Je ne pense pas qu'un jour, les gens ne sauront pas de qui il est question lorsqu'il entendront le nom de Cruyff", ou "Avant de faire une erreur, je ne la commets pas".
Oscillant entre honnêteté et arrogance, l'artiste est réputé pour la logique déroutante de ses longs monologues, qui le mènent toujours à la même conclusion, à savoir qu'il a raison. Plus d'un interlocuteur en est resté bouche bée. Aux Pays-Bas, ses déclarations, qui ont été consignées dans un recueil, sont utilisées dans des séminaires de management.
Pour un joueur devenu l'un des plus prestigieux représentants de son sport, Cruyff a connu une carrière internationale relativement courte. Il fait ses débuts sous la tunique néerlandaise contre la Hongrie en septembre 1966 et tire sa révérence internationale en octobre 1977, après 48 sélections pour les Oranjes. Pour sa dernière cape, il contribue à qualifier les siens à la Coupe du Monde de la FIFA Argentine 1978. Encore faut-il souligner qu'il n'était rappelé en sélection que pour les grandes occasions.
Une figure portée aux nues
L'apogée de sa carrière internationale est atteint lors de la phase finale de la Coupe du Monde de la FIFA Allemagne 1974. Qualifiés de justesse et semblant peu à l'aise dans le dispositif tactique mis en place par l'entraîneur Rinus Michel, appelé en catastrophe pour remplacer Frantisek Fadrhonc, les Pays-Bas se rendent en Allemagne avec peu d'espoirs. Pourtant, le puzzle orange se met en place à point nommé, si bien qu'au terme du premier tour, la presse mondiale fait de la bande à Cruyff la grandissime favorite de la compétition.
Les Néerlandais donnent à cette occasion une démonstration de football total, dont le meilleur apôtre est le numéro 14. Même s'il est fiché en tant qu'avant-centre, Cruyff navigue aux quatre coins du terrain, jaillissant dans toutes les zones où il peut mettre l'adversaire en difficulté. Ses partenaires s'adaptent à ce style, changeant régulièrement de poste en fonction des mouvements de cet électron libre. Ainsi, toutes les partitions sont jouées, mais pas toujours par le même interprète. Ce concept marque une révolution dans le football, une révolution qui va surprendre le monde entier, à commencer par ses instigateurs.
Au second tour, le Maître en personne concrétise ce concept en marquant les deux premiers buts de la lourde défaite 4-0 de l'Argentine, la meilleure prestation des Oranjes dans la compétition. La rencontre contre l'Allemagne de l'Est est moins enthousiasmante, les Pays-Bas s'imposant sur le score de 2-0. Leur dernier match du second tour, contre le Brésil a vraiment tout d'une demi-finale. Les Néerlandais s'imposent finalement 2-0 au terme d'un âpre combat. A cette occasion, Cruyff inscrit le deuxième but de son équipe à la 65ème minute, d'une reprise de volée spectaculaire. Profitant d'un bon centre de Ruud Krol, il prend Leão à contre-pied en plaçant une frappe imparable au premier poteau.
Les Oranjes mécaniques atteignent le sommet
La classe de Cruyff va encore être mise en exergue lors de la finale, qui débute de façon spectaculaire. Dès le coup d'envoi, les Néerlandais font tourner le jeu, sans laisser la moindre chance à leurs adversaires allemands de prendre l'initiative. Le ballon passe d'un joueur à l'autre jusqu'à arriver dans les pieds de Cruyff, lequel s'engage alors dans un raid dévastateur. Il efface Vogts avant d'être bousculé par Hoeness dans la surface de réparation. Neeskens transforme le penalty consécutif à la faute : 1-0 pour les Pays-bas avant même qu'un seul joueur allemand ait pu toucher la balle.
Mais les Pays-Bas ne parviennent pas à enfoncer le clou et laissent même les Allemands revenir dans le match. La Mannschaft égalise ainsi sur penalty, avant de prendre l'avantage à deux minutes de la pause par Gerd Müller. En seconde période, les Oranjes butent implacablement sur la barrière Sepp Maier et voient le titre s'envoler. La désignation de Cruyff comme meilleur joueur du tournoi n'est qu'une maigre consolation.
Pendant la compétition allemande, le maître à jouer annonce qu'il ne participera pas à la prochaine Coupe du Monde de la FIFA car il ne souhaite pas être éloigné de sa famille pendant un mois. Ajoutez à cela une série de dissensions avec sa fédération et vous verrez un immense joueur mettre un terme à sa carrière internationale de façon prématurée.
En club, Cruyff connaît un parcours couronné de succès. Entre 1971 et 1973, il remporte trois Coupes d'Europe des Clubs Champions consécutives avec Ajax Amsterdam, avant de mettre le cap sur l'Espagne et le FC Barcelone, où il décroche une Liga dès sa première saison. Il annonce sa retraite en 1978, mais quelques mois plus tard, on le retrouve dans le championnat américain, où il passera deux saisons. Après un bref séjour à Levante, en deuxième division espagnole, Cruyff revient à l'Ajax à l'été 1981. C'est le début d'une seconde carrière qui le verra remporter le doublé coupe - championnat avec son club de toujours avant de s'engager en faveur du Feyenoord Rotterdam, l'ennemi juré, en 1983... pour rééditer le même exploit ! A 30 ans passés, Cruyff brille encore de mille feux. La preuve en est qu'il est élu Joueur néerlandais de l'année en 1983 et 1984. Le meilleur joueur qu'aient connu les Pays-Bas raccroche finalement les crampons en 1984.
De retour à Barcelone
Bien que n'ayant aucune qualification d'entraîneur, Cruyff prend les rênes de l'Ajax Amsterdam au début de la saison 1985-86. Sous sa direction, le club de la capitale remporte la Coupe des Vainqueurs de Coupe 1987. Il démissionne l'année suivante, mais son bref passage à la tête de l'équipe lui aura permis de révéler de nombreux jeunes talents comme Dennis Bergkamp, Aaron Winter, Brian Roy et les frères Rob et Richard Witschge.
Reprenant le chemin qu'il avait emprunté en tant que joueur, Cruyff quitte la capitale néerlandaise pour Barcelone, où il prend les fonctions d'entraîneur et de directeur technique. Il entreprend alors de reconstruire l'équipe, se séparant de joueurs comme l'Allemand Bernd Schuster et dépensant des millions pour faire venir de nouvelles vedettes. Très vite, Cruyff met en place une équipe capable de pratiquer le football le plus spectaculaire d'Europe. Sa "Dream Team" connaît une période faste au début des années 1990, remportant quatre titres de champion d'Espagne consécutifs, ainsi que la fameuse Ligue des champions de l'UEFA en 1992.
Après huit ans de coopération, Cruyff et le club blaugrana se séparent pour la deuxième fois, en 1996. Cruyff, qui avait dû arrêter de fumer suite à un pontage coronarien en 1991 et qui rencontra de nouveaux problèmes cardiaques 1997, jure qu'il n'entraînera plus jamais une équipe de football. Jusqu'à sa disparition en 2016, il a tenu parole.
Il aura laissé une trace indélébile dans l'histoire du football. Interrogé sur son expérience en équipe nationale, l'intéressé avait lui-même résumé son œuvre : "Nous avons voulu montrer au monde qu'on pouvait s'amuser en jouant au football, que le sport de haut niveau n'était pas incompatible avec le plaisir. Je suis en quelque sorte le représentant d'une génération qui a prouvé que le beau jeu pouvait aussi mener à la victoire".