Pia Sundhage a passé cinq jours avec Tracey Kevins à Los Angeles
Les deux femmes participent à la deuxième édition du Programme de Mentorat pour Entraîneurs de la FIFA
"Ce programme a changé ma vie", assure Kevins
Technicienne d’origine britannique, Tracey Kevins travaille aux États-Unis depuis 2017. Sélectionneuse de l’équipe U-20 féminine de son pays d’adoption, elle a appris en mai dernier l’identité de son binôme dans le cadre du Programme de Mentorat pour entraîneurs de la FIFA. "Je savais que j’allais sauter au plafond, quelle que soit l’identité de la personne qui me suivrait mais, secrètement, j’espérais que ce serait Pia Sundhage", confiait alors Kevins.
Il faut dire que la carte de visite de la Suédoise a de quoi faire rêver : double championne olympique avec les États-Unis, elle dirige aujourd’hui le Brésil. Sundhage a également participé à la première édition du programme, lancé en 2018 par la FIFA dans le cadre de sa Stratégie de Développement du Football Féminin.
Dix mois plus tard et après plusieurs entretiens en ligne, Kevins a reçu la visite de sa marraine, à l’occasion d’un micro-stage organisé à Los Angeles. Du 20 au 24 janvier, les deux femmes ont pu dialoguer, une expérience qu’elles jugent toutes deux enrichissante.
"C’est fantastique de faire ensemble le bilan de la journée, de poser des questions sur les activités que je propose ou sur certaines choses que je peux faire. Ça m’a paru trop court ! À l’issue du stage, nous avons pu évoquer d’autres questions tactiques, regarder des vidéos et partager des expériences. C’était génial", confie Kevins.
"Je ne vivais pas aux États-Unis à l’époque où Pia travaillait ici mais je n’ai entendu que des louanges sur son ouverture d’esprit, sa transparence et sa volonté de faire progresser les entraîneurs qui travaillent dans le football féminin. Mais on ne se rend pas compte de ce que ça représente vraiment, tant qu’on n’a pas vécu ça. J’ai du mal à trouver les mots pour dire à quel point cette expérience m’a marquée. J’ai participé à de nombreuses formations, mais je n’avais jamais rien connu de tel."
"Je suis heureuse d’être de retour ici, 15 ans après. C’est moi devrais être reconnaissante à Tracey", estime pour sa part Sundhage. "En plus de revenir à Los Angeles et de découvrir d’autres joueuses américaines, j’ai eu le privilège de voir Tracey en action. Elle a beaucoup de talent et ce que j’ai vu m’a amenée à me remettre en question. J’ai appris des choses à son contact."
"L’ouverture d’esprit est l’un des principaux aspects de ce programme", poursuit la Suédoise de 62 ans, à la tête du Brésil depuis mi-2019. "On ouvre des portes et on partage des idées, mais c’est à chacune de choisir sa voie. C’est très instructif d’observer Tracey avec ses U-20. Ça me donne l’occasion de m’interroger sur ma propre pratique. Une question appelle une réponse, qui soulève une nouvelle question. Je suis ravie de pouvoir suivre son travail de si près."
Le programme de la FIFA vise à accompagner et promouvoir une nouvelle génération de femmes entraîneurs, en permettant aux participantes de bénéficier d’un soutien personnalisé. Mais quelles sont les qualités requises pour faire progresser ces techniciennes ?
"Je ne veux pas généraliser ; chacun a ses propres atouts", s’empresse de répondre Sundhage. "Dans mon cas, je pense qu’ils sont au nombre de trois. Tout d’abord, je connais mes forces et mes faiblesses. J’essaye donc de me concentrer sur ce que je sais faire. Mes adjoints sont essentiels pour ça ; sans eux, je serais perdue. Ensuite, j’ai le courage de dire oui et de saisir les opportunités. Enfin, je sais écouter les autres. Avant, je parlais et les joueuses devaient écouter. Aujourd’hui, c’est le contraire : j’écoute ce qu’elles ont à me dire. C’est une évolution très importante."
Kevins et Sundhage se sont également interrogées sur le rôle d’une femme entraîneur, d’une éducatrice ou d’une formatrice. "Le football n’appartient pas aux entraîneurs, mais aux joueuses. C’est la raison pour laquelle je leur demande toujours ce qu’elles pensent de ceci ou de cela. Notre mission consiste à améliorer leur prise de décision. Il ne faut pas qu’elles arrivent en sélection pour faire leurs preuves mais, au contraire, pour progresser", renchérit Kevins.
Cette dernière a été témoin d'un événement important lors de la Coupe du Monde Féminine U-20 de la FIFA Costa Rica 2022™ : pour la première fois, une majorité de sélections en lice étaient dirigées par des femmes (neuf sur 16).
"À mes débuts, on ne voyait que très peu de femmes sur les bancs de touche, mais les choses évoluent", se félicite Sundhage. "J’avais coutume de dire que c’était un terrible gâchis car beaucoup de joueuses et de femmes de qualité se voyaient ainsi privées de la possibilité de contribuer au développement du football féminin. Aujourd'hui, la discipline progresse à toute vitesse et les opportunités sont là. Il y a beaucoup de très bons exemples à suivre, comme celui de Tracey."
On retrouve le même son de clochez chez Kevins : "Le plus important, c’est de donner des opportunités et de permettre aux femmes de s’entraider. On grandit parfois en pensant qu’il n’y a pas de place pour tout le monde au plus haut niveau, mais c’est faux. Il suffit de voir cette nouvelle génération de techniciennes pour s’en convaincre".
"Cette semaine, au déjeuner, il y avait beaucoup de femmes : les deux entraîneurs, leurs assistantes et l’entraîneur des gardiennes. Cette semaine a profité à tout le monde car elles aussi ont pu parler avec Pia et lui poser des questions."
À l’issue de ces cinq journées, Tracey résume ainsi son expérience en quelques mots : "Avoir Pia ici avec nous, une femme qui a tant fait pour le football féminin et qui participe à ce programme pour la deuxième fois alors qu’une Coupe du Monde va avoir lieu dans l’année, c’est quelque chose de très fort. Je lui adresse mes remerciements, ainsi qu’à la FIFA, car ce programme a changé ma vie."