Christine Sinclair parle de son record de buts internationaux
La Canadienne a connu un "choc émotionnel" en recevant sa médaille olympique
Elle évoque Jordyn Huitema, Julie Ertz, Becky Sauerbrunn, Tobin Heath et Lindsey Horan
Christine Sinclair a connu un début d'année 2020 sensationnel en devenant la meilleure buteuse de l'histoire des sélections, hommes et femmes confondus, devant l'incontournable Abby Wambach, au mois de janvier. S'en est suivi une ribambelle de félicitations de la part des plus grands de ce monde, à commencer par le Premier Ministre canadien Justin Trudeau, le président de la FIFA Gianni Infantino, le double MVP de la NBA Steve Nash, la déesse du tennis Billie Jean King, Wambach en personne ou encore Roberto Alomar, véritable légende du baseball.
Sinclair, de son côté, se contentait d'un petit tweet écrit depuis le lit de sa chambre d'un hôtel d'Edinburg, au Texas. "Croyez-moi ou pas, je suis soulagée".
Typique de la part d'une joueuse ultra-réservée qui, à l'opposé d'un grand nombre de personnes, a "kiffé" le confinement dû au Covid-19. À la veille de son retour sur les terrains, Sinclair (37 ans) a pris le temps de discuter avec FIFA.com de son record de buts, du "choc émotionnel" qu'a provoqué sa médaille olympique en 2012, de la détermination du Canada à faire mieux que cette troisième place à Tokyo 2020, de l'écart que les États-Unis a creusé avec le Canada, des ambiances extraordinaires de la Coupe du Monde Féminine de la FIFA, France 2019™, des ambitions de Portland Thorns et… de sa fin de carrière.
Christine, qu'est-ce que ça a fait de devenir la meilleure buteuse internationale ?
C'est un grand honneur et un exploit incroyable, mais pour être franche, ça a été un énorme soulagement pour moi. Ça m'a enlevé un poids parce que ça s'est construit sur plusieurs années. Le compte à rebours avait commencé, les buts s'enchaînaient et ça a été un soulagement, je ne vais pas mentir.
qu'est-ce que ça vous a fait de recevoir les félicitations d'Abby Wambach ?
Énormément de personnes de tous les horizons m'ont félicitée une fois mon record établi, c'était incroyable. C'était génial d'avoir des nouvelles d'Abby, mais aussi de nombreuses joueuses de mon passé : d'anciennes coéquipières et d'anciennes adversaires. C'est quelque chose de particulier. Le monde du football est assez petit et c'est dans des moments comme celui-ci que vous réalisez à quel point tout le monde est proche.
Le niveau des équipes de la Concacaf a largement augmenté et le Canada s'est retrouvé dans un groupe difficile. Qu'est-ce que ça a fait de battre la Jamaïque, le Mexique et le Costa Rica pour vous qualifier pour Tokyo 2020 ?
Oui, les équipes de la Concacaf sont vraiment fortes, c'est difficile. Vous l'avez vu à la Coupe du Monde en France. La qualification de la Jamaïque, c'était quelque chose quand même ! On peut voir la progression du football dans ces pays. Les États-Unis et le Canada ont de plus en plus de difficultés à se qualifier, surtout vu le fonctionnement du tournoi de la Concacaf avec beaucoup de matches en peu de temps. Au final, ça se joue sur un match et soit tu gagnes, soit tu rentres chez toi. On pourrait rejouer le Costa Rica dix fois et les battre dix fois, mais dans des matches comme celui-là, tu ne sais jamais ce qui va se passer.
Le Canada a donné du fil à retordre aux États-Unis en première période de la finale et leur pose des problèmes depuis plusieurs années. Pouvez-vous parler de l'écart entre les deux équipes ?
Les États-Unis sont les n° 1 mondiales et ce n'est pas pour rien. Vous avez bien vu la profondeur de leur banc en finale. C'était notre cinquième match du tournoi en 12 ou 13 jours, quelque chose de fou comme ça. Je trouve qu'on a très bien joué en première période. Elles ont eu des occasions, mais nous aussi. Le match était plutôt équilibré. Mais c'est le genre d'équipes qui exploite la moindre erreur de l'adversaire. Nous avons commis quelques erreurs individuelles, elles nous ont punies. C'est la qualité de leur groupe.
Si vous deviez nommer la meilleure joueuse de l'équipe des États-Unis, qui choisiriez-vous ?
Oh, la, la. Je ne sais pas du tout ! Ça change à chaque tournoi, à chaque match. Je pense que la joueuse la plus régulière de ces derniers temps doit être Julie Ertz. C'est un roc qui semble jouer 90 minutes à chaque match. Mais les États-Unis regorgent de joueuses talentueuses.
Jordyn Huitema a été excellente dans le tournoi et a terminé meilleure buteuse. Que pensez-vous de cette joueuse et jusqu'où peut-elle aller ?
Elle a un potentiel illimité. Vous avez vu dans ce tournoi que c'est une buteuse née. Donnez-lui une occasion et elle la mettra au fond. Je pense que ça l'a beaucoup aidée d'aller jouer à l'étranger et de relever d'autres défis. L'avenir de l'équipe du Canada s'annonce prometteur avec elle dans ses rangs. Elle est vraiment excellente.
Qu'est-ce que cela fait de décrocher une médaille olympique ?
Remporter une médaille olympique, c'était pour moi un rêve d'enfant. Quand j'étais petite, on n'entendait pas souvent parler de l'équipe nationale féminine, mais j'ai toujours rêvé de participer aux Jeux Olympiques et de gagner une médaille. On a gagné la première à Londres et ça a été un choc émotionnel pour moi sur le terrain quand j'ai compris qu'on venait de battre la France et que j'allais recevoir une médaille olympique. La première a été tellement spéciale. Pour la deuxième, je ne vais pas mentir, j'étais un peu déçue de ne pas faire mieux. Lors de ces JO, c'est nous qui avions produit le meilleur jeu dans le tournoi. On a battu l'Allemagne, on a battu la France, on a battu l'Australie. On a juste raté le coche en demi-finales. C'est le genre de match où on se demande ce qui aurait pu se passer si…
Vous avez remporté deux médailles de bronze olympiques de suite. Pensez-vous que le Canada puisse faire mieux à la prochaine édition ?
C'est prévu. On s'y prépare en tout cas. Notre devise, c'est "On en a assez du bronze, on veut quelque chose de mieux". On veut passer l'obstacle des demi-finales qui nous a stoppées lors des deux derniers Jeux Olympiques. On a cette envie de monter sur la première marche du podium cette fois, et on y croit.
Qu'avez-vous pensé de France 2019 ?
Vue la façon dont ça s'est terminé pour nous, je pense qu'on peut toutes être déçues. Mais en tant qu'amoureuse pure du football et en tant que personne passionnée par la progression du football féminin, c'était absolument incroyable de participer à cette aventure. Jouer dans ces stades, devant ce public. Le football féminin n'a pas fini de progresser. Ça va devenir de plus en plus fou lors des prochaines éditions de la Coupe du Monde.
Attendez-vous avec impatience le retour de la NWSL avec la Challenge Cup ?
J'ai vraiment hâte de rejouer, mais je suis déchirée entre deux sentiments. Les Thorns ont fait d'énormes changements à l'intersaison, j'avais vraiment hâte d'évoluer avec ce groupe de joueuses pendant la saison. Ça me manque de jouer devant nos supporters à Providence Park. On va passer un mois dans l'Utah, mais ça ne sera pas pareil. Mais en même temps, on a hâte de rejouer.
Portland Thorns a été proche du titre en 2018 et 2019. Pensez-vous y arriver en 2020 ?
C'est pour ça que je suis tellement déçue. On a fait appel à des joueuses de classe internationale, comme Becky Sauerbrunn, Rocky Rodriguez. On a d'excellentes jeunes joueuses dans nos rangs. Il y a toute cette excitation et tu te demandes ce que cette équipe est capable de réaliser sur une saison. Mais on est prêtes et on a hâte et j'espère que, l'an prochain, tout redeviendra normal et qu'on pourra jouer une saison entière.
Vous avez parlé de Sauerbrunn. Pouvez-vous décrire cette joueuse ?
Je me suis entraînée avec elle et c'est la classe ! C'est une belle personne en dehors du terrain et une joueuse de foot incroyable. Je parle en tant que n° 9 : c'est l'une des arrières centrales les plus coriaces que j'ai rencontrées dans ma carrière. Elle est vraiment intelligente. Vous pensez l'avoir driblé, mais elle se retrouve toujours au bon endroit et en plus, ça a l'air facile. Elle n'est jamais stressée. J'ai vraiment hâte de jouer avec elle plutôt que contre elle.
Et que pensez-vous de Tobin Heath et de Lindsey Horan ?
Oh, la, la ! Peu de joueuses de foot savent faire ce que Tobin fait avec un ballon. Quant à Lindsey, j'ai beaucoup aimé voir sa progression au cours des trois dernières années. À son arrivée aux Thorns, elle était passée par la France, mais elle était encore très jeune. Aujourd'hui, c'est la patronne. Elle dicte les matches. J'ai assisté à sa transformation, de buteuse invétérée quand elle était jeune à milieu indéboulonnable. C'est plutôt cool à voir.
Qu'avez-vous fait pour passer le temps pendant le confinement ?
J'ai passé quelques semaines en Floride pour profiter du soleil. J'ai travaillé sur mon handicap au golf. J'ai passé du temps avec mon chien. J'ai regardé Netflix. Mais franchement, je suis quelqu'un de réservé donc le confinement n'a pas été un problème pour moi. Ça ne m'a pas dérangé d'avoir mon espace à moi. Je pense que j'ai beaucoup kiffé même !
Et pour finir, quand pensez-vous mettre fin à votre carrière ?
Bonne question ! (rires) Je ne sais pas. Le plan, c'était d'attendre 2020 et les JO, puis voir ce qui se passe. D'un coup, les JO ne se joueront que l'an prochain. Donc j'imagine qu'on va disputer les JO l'année prochaine et on verra à partir de là.