Monika Staab participe à la création de la première équipe nationale féminine en Arabie Saoudite
Elle a travaillé dans 85 pays au cours des 14 dernières années
"Il faut être un peu fou pour travailler dans le football féminin", estime-t-elle
La Gambie de l’Arabie Saoudite sont les deux derniers pays à avoir accueilli Monika Staab. L’Allemande était à la tête du German Gambian Football Project depuis la fin de l’automne 2018, jusqu’à ce que la pandémie de Covid-19 et un coup de téléphone ne viennent changer la donne. "Une voix me dit : ‘Bonjour, ici la Fédération saoudienne de football. Nous aimerions organiser notre première formation de Licence C pour les entraîneurs féminins’", raconte Staab à FIFA.com. "Sur le coup, j’étais très surprise. Je ne m’attendais pas du tout à ça. On m’a demandé si je pouvais dispenser une formation en décembre." La formatrice a déjà officié dans 85 pays durant sa carrière, avec un seul objectif en tête : "J’évolue depuis 51 ans dans le milieu du football féminin. Je n’ai jamais dévié de mon but initial, à savoir offrir la possibilité au plus grand nombre de jouer au football. Je donne de l’espoir, mais je ne peux pas tout changer. Je suis là pour apporter l’étincelle ; aux femmes ensuite de nourrir le feu", estime l'Allemande de 62 ans, surprise par l'enthousiasme saoudien. "Quand je suis arrivée, on m’a annoncé que le travail commençait à six heures du matin. Je n’avais jamais vu des gens débuter leur journée aussi tôt. À six heures précises, j’ai trouvé en face de moi 24 femmes prêtes à se lancer dans l'aventure. J’avais du mal à en croire mes yeux. Je les ai regardées et j’ai vu qu’elles débordaient d’enthousiasme, de passion et de dynamisme. Elles ont suivi cette formation de Licence C avec moi pendant deux semaines et tous les jours, elles étaient là six heures sonnantes", poursuit Staab. "J’ai visité 25 clubs à Dammam, Riyad et Djeddah. Chacun comptait plus de 40 inscrites. J’ai eu l’impression de voyager dans le temps, à l’époque où beaucoup de filles voulaient jouer mais ne trouvaient pas de club près de chez elles. Ces femmes font deux heures de voiture, s’entraînent et font encore deux heures de route pour rentrer chez elles. En parallèle, elles travaillent ou elles étudient. Aucune n’est professionnelle. Ce sont avant tout des passionnées, qui sont convaincues que leur rêve est en train de se réaliser." La Secrétaire Générale de la FIFA Fatma Samoura s’est récemment rendue à Riyad pour y rencontrer des personnalités influentes de la société civile saoudienne. Elle a pu constater par elle-même l’enthousiasme dont font preuve ces footballeuses de tous âges.
Le 2 novembre, le football féminin saoudien a franchi une étape importante à l’occasion du premier entraînement officiel de l’équipe nationale féminine. Sept cents joueuses sont éligibles à une place en sélection ; toutes ont participé aux essais, sous la supervision de Staab, qui en a retenu 30. "Ce qui se passe ici est incroyable. Ces femmes sont portées par un sentiment de liberté. Elles peuvent exprimer publiquement leur amour pour le football", apprécie Staab, qui doit parfois modérer les ambitions locales. "Elles espèrent participer à la Coupe du Monde Féminine d’ici dix ans. Je leur ai tout de suite répondu : ‘Doucement, doucement. L’Allemagne a dû attendre 21 ans et vous, vous n’auriez besoin que de dix ans ? Ce n’est pas réaliste'. Mais elles ne veulent pas renoncer à leur rêve. Elles sont soutenues par le président et le secrétaire général de la fédération. Que demander de plus ?"
En marge de ses fonctions de sélectionneuse, Staab forme elle-même les futures femmes entraîneurs saoudiennes. Au cours des huit dernières semaines, elle a animé deux formations de Licence C et en décembre, elle proposera la première Licence B aux 24 femmes avec qui elle a travaillé l’année dernière. "Nous voulons mettre en place 13 centres d’entraînement régionaux, avec des équipes U-13, U-15 et U-17. Le premier est déjà prêt. L’objectif est de disposer d'une sélection U-17 d’ici la fin de l’année prochaine. Nous sommes sur la bonne voie. Notre mission consiste à poser des bases solides pour l’avenir", prévoit-elle, précisant que cette académie spécialement réservée aux filles accueille des enfants de sept, huit et neuf ans, qui s’entraînent deux fois par semaine. L'Arabie Saoudite s’apprête à franchir une autre étape dès le 18 novembre, avec le lancement de la première édition du championnat féminin, disputé dans trois villes. "L’an dernière, il y a eu un tournoi communautaire sur un terrain de football à neuf. Les joueuses n’ont jamais eu l’occasion d’évoluer sur un terrain de football à 11. Nous allons écrire une nouvelle page de l’histoire du football féminin saoudien", confie Staab, qui a dirigé Bahreïn en 2007, avant d'occuper le poste de sélectionneuse du Qatar entre 2013 et fin 2014. "C’est un nouveau départ. Les joueuses ont encore tout à apprendre. J’espère que cette aventure va susciter beaucoup d’enthousiasme", se réjouit Staab, qui tient à conclure en remerciant deux femmes en particulier. "J’ai rencontré Lamia Bahaian, directrice du département football féminin, et Adwa AlArifi, vice-ministre de la planification et du développement rattachée au ministère de Sports, deux femmes de pouvoir qui ont beaucoup œuvré pour ma venue. Leur passion, leur engagement et leurs rêves m’ont convaincue. J’ai eu envie de les aider. Compte tenu de mon expérience dans le football féminin et dans le développement en général, je pense pouvoir apporter quelque chose à ce grand projet."