L'Allemagne met les pieds dans le plat

Même si la perspective d'un bon repas ne laisse personne indifférent, la recherche d'une alimentation adaptée constitue un élément essentiel du sport de compétition. Il n'est donc pas étonnant de voir de grandes équipes faire appel aux services de nutritionnistes ou, dans le cas de l'Allemagne championne du monde en 2014, d'un chef cuisinier.

"Une bonne alimentation ne transformera pas un footballeur médiocre en un candidat au Ballon d'Or. Toutefois, aucun joueur, quel que soit son niveau, ne peut exploiter pleinement son potentiel s'il fait systématiquement les mauvais choix au moment de se mettre à table", explique le professeur Jiří Dvořák, médecin-chef de la FIFA, à FIFA.com. "L'alimentation n'est pas une science monolithique", précise-t-il. Les experts confirment qu'il faut, dans ce domaine, savoir s'adapter aux exigences culturelles et individuelles. En l'occurrence, fixer des règles immuables serait contre-productif.

C'est l'opinion que défend Holger Stromberg, chef étoilé et cuisinier attitré de l'Allemagne. Sa mission consiste à faire en sorte que les joueurs puissent s'exprimer pleinement sur le terrain. "Si l'essence n'est pas bonne, le moteur ne peut pas donner sa pleine mesure", confie-t-il à FIFA.com, estimant que le football et la cuisine ont des points communs. "Ce sont des sports collectifs. Tout seul, on ne peut rien faire ; seule compte l'équipe."

À chaque déplacement de la Nationalmannschaft, il se met aux fourneaux pour le plus grand plaisir des joueurs sélectionnés, mais aussi de l'ensemble de l'encadrement. Il n'est pas toujours possible de satisfaire les requêtes de chacun, mais "je propose toujours un buffet varié", explique Stromberg. "Il y a des soupes, des salades, des légumes, des plats et des desserts. Naturellement, tout est fait maison et fraîchement préparé. Au moment de composer le menu, nous étudions de près le rapport entre les glucides complexes* que l'on retrouve souvent dans les produits complets, les protéines et le gras sain. Je m'intéresse surtout au caractère naturel et à la qualité de la nourriture et des apports énergétiques."    *

La recette du succès L'origine des produits revêt une importance essentielle à ses yeux, mais ce critère n'est pas le seul : "Il faut qu'il y ait du goût, ça va de soi, mais une cuisine saine et une cuisine agréable ne sont pas antinomiques, bien au contraire", assure Stromberg, qui travaille depuis 2007 avec l'Allemagne, qu'il a déjà accompagnée lors de plusieurs grands tournois dont la Coupe du Monde de la FIFA 2014™ au Brésil. Dans un premier temps, il lui a fallu résoudre quelques difficultés. "Ce n'était pas évident de trouver des produits de bonne qualité, confie le cuisinier qui préfère éviter les importations. "J'ai essayé de travailler avec des produits locaux comme la courge, la carotte, l'avocat, la betterave rouge, le bœuf et le poisson."

Il a également fallu tenir compte des conditions climatiques pour adapter les boissons. Les produits laitiers ont rapidement été rangés au placard. La décision aurait pu être mal perçue car les joueurs allemands apprécient traditionnellement le riz au lait. Heureusement, le chef Stromberg n'a eu aucun mal à trouver la parade : "Au Brésil, je me suis servi d'un mélange de lait de riz et d'amande pour préparer notre plat fétiche".

Le secret de la réussite allemande se cache peut-être là. La Mannschaft a tracé sa route jusqu'en finale de l'épreuve mondiale. Pour bien aborder un tel rendez-vous, il fallait mettre les petits plats dans les grands. Alors, à quoi ressemble le menu de futurs champions du monde ? "Avant la finale contre l'Argentine, j'avais préparé un buffet avec des cœurs de palmiers, de l'avocat, des carottes, des betteraves rouges, de la mozzarella di bufala et du maïs. Il y avait en plus de la soupe de courge, des steaks de poulet, des pâtes, du riz et des légumes. Pour le dessert, nous avions prévu de la mangue, du riz au lait et de la bouillie de semoule", révèle-t-il.

Des pâtes dans les vestiaires On pourrait imaginer qu'après la finale, les champions ont mis les bouchées doubles. Mais après 120 minutes d'effort, il fallait avant tout recharger les batteries. "Trois quarts d'heure après la finale, nous avons servi des pâtes à la sauce tomate, directement dans les vestiaires", raconte Stromberg, qui a joué un rôle dans le triomphe de l'Allemagne, mais préfère relativiser son influence. "Ce n'est pas l'alimentation qui fait gagner un match". Cependant, un bon repas peut rendre une équipe plus efficace. "Dans une grande compétition, tout se joue sur des détails. Une bonne alimentation peut certainement amener un petit plus à une équipe", confirme le professeur Dvořák.

Le plus important reste de se sentir bien dans son corps et de prendre les bonnes décisions. Les végétariens et les végétaliens ne sont évidemment pas en reste. Leur mode de vie pourrait même se révéler un avantage. "De nombreux végétaliens font de meilleurs choix alimentaires que les 'omnivores' car ils s'intéressent davantage à ces questions", relève le médecin-chef de la FIFA.

En entamant sa collaboration avec la DFB, le cuisinier s'était fixé pour objectif de "mettre l'alimentation au service du football". Parallèlement, il s'est adapté aux exigences de son public. "Les besoins d'un gardien de but ne sont pas les mêmes que ceux d'un attaquant de pointe", cite-t-il en exemple. "Dans un cas, nous mettrons davantage l'accent sur les protéines. Pour des joueurs qui courent beaucoup, nous proposons des repas plus riches en glucides. La bonne voie, c'est celle qui respecte les besoins de chacun. On peut faire beaucoup d'expériences, l'essentiel reste le goût."