L’Albanie tient son jour de gloire

"On a rendu tout notre pays heureux. C'est une victoire pour l'ensemble du peuple albanais." Les mots d'Ermir Lenjani résument les propos de tous les joueurs de l'Albanie à la fin du match contre la Roumanie. Il faut dire que le moment est historique. Le 11 octobre 2015, les Kuq e Zinjtë (les rouges et noirs) battent l'Arménie 3:0 et décrochent leur première qualification pour une grande compétition internationale. Exactement huit mois plus tard, ils font leurs débuts à l'UEFA EURO 2016.

Le premier match face à la Suisse ne se déroule pas comme ils l'auraient souhaité, puisqu'ils encaissent un but dès la cinquième minute et que leur capitaine Lorik Cana est exclu à la 37ème. Au final ils ne perdent "que" 1:0, mais la défaite est amère. Quelques jours plus tard, ils affrontent la France dans un stade Vélodrome de Marseille bouillant. Cette fois, les Albanais tiennent jusqu'à la 90ème minute avant d'encaisser deux buts d’Antoine Griezmann et Dimitrit Payet, synonymes de déception et de tristesse dans le camp albanais.

Mais ce 19 juin à Lyon, tout est oublié. Premier but, premiers points et première victoire dans une compétition internationale. "Plus que la symbolique d'une victoire, c'est surtout le fait de récolter ce que les garçons ont semé toutes ces années et tous ces mois qui nous rend heureux", assure le capitaine Lorik Cana. Il en oublierait presque son début de compétition compliqué. "Ça ne pourra pas rattraper le match contre la France parce qu'il me tenait à cœur", admet-il à propos de sa suspension contre le pays où il a passé la majeure partie de sa carrière. "Mais l'important c'est d'avoir réussi à présenter une belle image de l'Albanie."

Incapable de se qualifier pour le moindre tournoi international depuis son affiliation à la FIFA en 1932, l’Albanie a donc attendu plus de huit décennies pour se faire une place sur l’échiquier mondial. Celui qui est en sélection depuis 2003 sait à quel point il est difficile de se qualifier pour une Coupe du Monde ou un EURO. Il apprécie d’autant plus le chemin parcouru. "Je ne sais pas si cette victoire est plus forte que la qualification. C'est différent", estime-t-il au moment d’évoquer l’importance du succès face aux Roumains. "Ça sera deux matches particuliers pour nous. La qualification, c'est quelque chose que personne n'avait réussi avant, quelque chose d'historique."

Rien à craindre, tout à espérer Historique, le but d'Armando Sadiku l'est aussi. S'élevant plus haut que les défenseurs roumains, il place une tête croisée à la 43ème minute et délivre un stade majoritairement rouge et noir. Sentant que la victoire tant attendue approche, les Albanais auraient pu se tendre et laisser les Roumains revenir. "Par le passé, on a eu beaucoup de désillusions dans les dernières minutes", confirme Cana, faisant référence à la défaite face aux Bleus quatre jours plus tôt, mais également contre la Serbie et le Portugal en qualifications. Mais cette fois, l'Albanie était en état de grâce. Comme si rien ne pouvait l'atteindre. Comme si son grand moment était enfin arrivé. "Quand je suis rentré, j’ai dit à mes partenaires : ‘Ne vous inquiétez pas, il ne se passera pas grand-chose. Tout ira bien, il n'y a pas de soucis à se faire’", plaisante encore le défenseur central de Nantes, sur le banc au coup d’envoi, et entré en jeu pour les dernières minutes.

Du souci, les supporters albanais s'en sont fait jusqu'au coup de sifflet final. Enthousiastes mais malheureux depuis deux matches, ils attendaient la victoire peut-être encore plus que leurs protégés. "On est vraiment content de rendre heureux les gens. Ils étaient déjà fiers de nous, mais ils avaient envie de fêter quelque chose et on leur a donné le plus beau cadeau qu'ils pouvaient avoir", conclut Cana.

"Pour l’instant", serait-on tenté d’ajouter. Car cette émotion intense pour les joueurs comme pour les supporters n'était peut-être qu'un début. Les Albanais peuvent encore espérer une place de meilleur troisième et se qualifier pour les huitièmes de finale. Un événement qui sonnerait comme une nouvelle victoire.