Un stade plein. La balle est immobile, à quelques mètres de la terre promise. Le joueur prend son élan et frappe à la perfection, du cou-de-pied. Le ballon décrit une trajectoire parfaite et passe entre les montants. But ! Pas exactement… La description ci-dessus pourrait être celle d'un penalty décisif dans un match de football. Le football américain est le sport le plus populaire des États-Unis et ce 7 février aura lieu son plus grand rendez-vous de l'année, sa grande finale : le Super Bowl. Par le passé, un abîme séparait le soccer de son cousin éloigné et adoré en Amérique du Nord. Mais les temps ont changé et aujourd'hui, les deux disciplines sont plus liées que jamais.
Vainqueur d'un titre de NFL, mais supporter inconditionnel de l'équipe d'Argentine de football, Martín Gramática est particulièrement bien placé pour expliquer ce phénomène. Né en 1975 à Buenos Aires, comme tous les enfants argentins de sa génération, il n'a qu'une chose en tête : devenir le prochain Mario Kempes ou Diego Maradona. Mais le destin lui réserve une surprise. "À l'âge de 10 ans, notre famille est partie aux États-Unis. Je rêvais de jouer au football mais pendant ma dernière année de lycée, mon école m'a demandé si je pouvais venir renforcer l'équipe de football américain. Après le premier entraînement, l'entraîneur a immédiatement contacté mes parents pour leur dire que j'avais le potentiel de jouer en NFL, et donc d'étudier à l'université tous frais payés. Voilà comment j'ai changé de sport", explique-t-il à FIFA.com.
Le coach avait vu juste. En 1999, il est drafté par les Tampa Bay Buccaneers, une franchise de NFL. Trois ans plus tard, il joue un rôle décisif dans le Super Bowl XXXVII remporté par son équipe. "Ça a été quelque chose d'incroyable. C'est quasiment comme gagner la Coupe du Monde. Tous les États-Unis suivent ça. Même le spectacle à la mi-temps est grandiose ! Ce titre est extrêmement difficile à gagner car il y a très peu d'écart entre les équipes. On ne peut jouer que dans une équipe et j'ai eu la chance d'être dans la bonne."
Pour un sportif argentin, gagner le Super Bowl n'est pas banal. Gramática est ainsi le seul Argentin à détenir à l'anneau que l'on remet à chaque joueur vainqueur de l'épreuve. Cependant, on ne résiste pas à l'envie de revenir un instant sur son plus grand rêve d'enfance : échangerait-il le Super Bowl contre un sacre en Coupe du Monde de la FIFA ? "Oui, à 100 %", répond-il dans un grand éclat de rire. "Le football américain m'a beaucoup apporté, mais ma passion a toujours été le football. Gagner une Coupe du Monde est quelque chose d'exceptionnel. Il y a tellement de très grands joueurs qui n'y sont pas parvenus, à commencer par Lionel Messi, le plus grand joueur de l'histoire. Ça aurait été quelque chose d'incroyable."
Proches cousins Des décennies durant, le soccer était considéré comme un sport étranger par les Américains, qui préféraient se tourner vers des disciplines qu'ils avaient inventées, comme le football américain ou le base-ball. Toutefois, Gramática a remarqué un changement important de ce point de vue. "La dernière Coupe du Monde a été beaucoup regardée à la télévision et les stars actuelles du football, comme Messi, sont très connues aux États-Unis. Le football est désormais très suivi dans ce pays."
L'intérêt est réciproque même, chez les principaux intéressés, à savoir les joueurs. Sans aller chercher très loin, il y a quelques jours le défenseur de Barcelone Gerard Piqué révélait dans un tweet être un fervent admirateur des New England Patriots. Dans le sens inverse, Chad Johnson, lui aussi vainqueur de la NFL, se déclarait supporter passionné du Real Madrid et de la sélection mexicaine de football. On se souvient également que quelques semaines avant le coup d'envoi de Brésil 2014, on voyait dans une vidéo des joueurs des New York Jets enseigner à Cristiano Ronaldo comment lancer un ballon ovale.
Et si l'on veut parler technique, avoir quelques notions de soccer peut se révéler très utile pour un joueur de NFL, en particulier pour un frappeur. "Je ne crois pas me tromper en disant que de nos jours, tous les pensionnaires de la NFL savent aussi jouer au football. C'est très bon du point de vue technique. Quand je jouais encore, j'apportais toujours un ballon de foot à l'entraînement, et on faisait des petits matches pour s'échauffer", raconte Gramática.
Après avoir pris sa retraite en 2008, Martín a créé avec ses frères une entreprise de bâtiment en Floride et à ses heures libres, il entraîne l'équipe de foot de son fils aîné ! "Oui, ça reste ma passion. Mes deux fils les plus âgés y jouent et nous sommes tous supporters de Boca Juniors. D'ailleurs, nous sommes allés rendre visite à l'équipe lors d'une préparation d'avant-saison là-bas et nous avons rencontré Carlos Tévez. Ce fut une grande expérience."
S'il a le cœur bien ancré du côté du ballon rond, c'est à l'ovale qu'il va s'intéresser ce week-end, où il ne loupera pas une miette d'un Super Bowl qu'il a déjà prévu de regarder à la télévision entouré de toute sa famille. "Les deux meilleures équipes de l'année sont au rendez-vous : les Denver Broncos et les Carolina Panthers. Je crois que Carolina est un peu plus fort, mais j'aimerais que Denver gagne car l'un de mes anciens coéquipiers y joue, le quarter-back Peyton Manning. Un joueur aussi légendaire que lui mérite de gagner le titre", conclut-il.