vendredi 04 mars 2016, 10:00

Canonniers et éperons pour un derby So British

La première confrontation entre Tottenham et Arsenal remonte à 1887. A l'époque, la rencontre amicale avait été abandonnée à la nuit tombée, alors que les Spurs menaient 2:1. Cent vingt ans plus tard, la rivalité entre ces deux équipes est toujours aussi forte. Ce 5 mars 2016, elle le sera d'autant plus que les deux équipes sont cette saison idéalement placées dans la course au titre : les Spurs deuxièmes de Premier league reçoivent les Gunners, troisièmes à trois points d'eux. Un match qui sent donc la poudre.

Si ces deux formations s'affrontent régulièrement depuis près de 120 ans, ce n'est qu'à partir de 1913 que naît la grande rivalité qui oppose les supporters des deux équipes. Juste avant la guerre, Arsenal, qui évoluait jusque-là à Woolwich, dans le sud de Londres, décide de s'installer à l'Arsenal Stadium de Highbury. Le nouveau stade est situé à quelques kilomètres à peine de White Hart Lane, le fief des Spurs, ce qui crée naturellement des tensions entre les deux clubs devenus voisins.

Cette rivalité prend une nouvelle dimension en 1919, lorsque la fédération anglaise décide d'intégrer deux nouvelles équipes en première division. Chelsea, 19ème du dernier championnat et qui aurait dû être relégué, est donc repêché. Logiquement, la dernière place aurait dû être attribuée à Tottenham, 20ème, ou à Barnsley, qui avait terminé à la troisième place du championnat de deuxième division. Au lieu de cela, c'est Arsenal, cinquième en deuxième division, qui est choisi pour faire partie de l'élite. Les Spurs font leur retour en première division dès la saison suivante, après avoir aisément dominé le championnat de deuxième division, mais, entre-temps, l'animosité entre les deux clubs est encore montée d'un cran.

Arsenal compte 77 victoires contre 54 pour les Spurs. La dernière victoire de Tottenham sur le terrain des Gunners remonte à 2010 : menés 2:0 à pause et complètement dépassés, les Spurs renversaient totalement la vapeur et remportaient leur premier derby du nord sur le terrain de son ennemi depuis 1993. La rencontre la plus prolifique date du 13 novembre 2004, une victoire 5:4 d'Arsenal à White Hart Lane. Arsenal détient également le record de la plus large victoire avec un succès 6:0 le 6 mars 1935. De leur côté, les Spurs se sont imposés 5:0 à deux reprises, le 25 décembre 1911 et le 4 avril 1983.

Débuts et philosophie

Arsenal est fondé en 1886 par les ouvriers de la Woolwich Arsenal Armament Factory. En 1891, le club passe professionnel et devient officiellement Woolwich Arsenal. Deux ans plus tard, il rejoint la ligue anglaise.

De son côté, Tottenham Hotspur voit le jour en 1882 à White Hart Lane lorsque les joueurs du club de cricket et de l'école du quartier décident de former une équipe. Ils décident de prendre le nom du plus jeune fils du duc de Northumberland, Percy, surnommé "Harry Hotspur". Le Hotspur FC est né. Deux ans plus tard, le club est renommé Tottenham Hotspurs Football and Athletic Club. En 1885, les Spurs disputent leur premier match officiel, mais ce n'est que dix ans plus tard que le club passe professionnel.

Si Arsenal a remporté davantage de titres nationaux que Tottenham, les Spurs ont davantage brillé sur la scène européenne. Les Gunners comptent 13 titres de champion et 12 FA Cups contre deux titres et huit coupes aux Spurs. Toutefois, si Arsenal collectionne les titres, en particulier depuis l'arrivée d'Arsène Wenger, les supporters de Tottenham sont toujours restés fidèles à la notion de "Glory Game", une vision du jeu offensive et attrayante, incarnée par Danny Blanchflower, capitaine des Spurs lors du fameux doublé de 1961.

"On dit souvent que le plus important, c'est de gagner. C'est totalement faux. Le football est avant tout une affaire de panache. Il faut faire les choses avec élégance, inspiration, il faut entrer sur le terrain avec l'ambition d'être meilleur que ceux d'en face et pas de les faire mourir d'ennui." Ce célèbre discours de Blanchflower a été personnifié au fil des ans par les nombreuses stars qui se sont succédées sous le maillot des Spurs : Jimmy Greaves, Glenn Hoddle, Ossie Ardiles, Chris Waddle et Paul Gascoigne sont autant de joueurs d'exception qui ont illuminé de leur génie le football anglais.

Histoire et trahisons

En raison de la grande rivalité qui oppose les deux clubs, seuls treize joueurs ont porté les couleurs des deux équipes depuis 1913. En ce qui concerne les entraîneurs, Terry Neill et George Graham sont les seuls à avoir officié à Highbury et White Hart Lane. Chez les joueurs, les transferts les plus retentissants furent sans doute ceux de Pat Jennings et Sol Campbell.

Le célèbre gardien nord-irlandais a disputé 590 matches avec les Spurs entre 1964 et 1977. Convaincus que leur portier arrive en fin de carrière, les dirigeants de Tottenham acceptent de le céder à leurs grands rivaux. Jennings se découvre une deuxième jeunesse à Highbury, où il restera encore huit saisons. Plus récemment, Jennings est revenu à Tottenham en tant qu'entraîneur des gardiens de but.

En revanche, l'international anglais Sol Campbell risque fort de ne jamais remettre les pieds au club. Supporter des Spurs depuis son plus jeune âge, le défenseur refuse de prolonger son contrat en 2001 et rejoint Arsenal. Les fans de Tottenham vivent son départ comme une trahison, en dépit des arguments de Campbell, qui déclare vouloir disputer la Ligue des Champions.

Les deux matches les plus marquants de l'ère moderne restent sans doute les demi-finales de FA Cup 1991 et 1993. La première fois, à Wembley, Arsenal trouve sur sa route un Paul Gascoigne en état de grâce. A l'heure d'entrer sur le terrain, le fantasque milieu de terrain international n'a joué que 60 minutes en cinq semaines en raison d'une hernie. Devant 80 000 personnes, les Spurs s'imposent 3:1 sur un extraordinaire coup franc à plus de 25 mètres du légendaire meneur de jeu et grâce à un doublé de l'opportuniste Gary Lineker. Deux ans plus tard, les Gunners prennent leur revanche en l'emportant par la plus petite des marges sur un but de Tony Adams.

Aujourd'hui, les supporters des deux équipes savent que ce 180ème derby peut être un tournant dans leur saison. Trois points sont indispensables aux deux rivaux pour espérer ne pas être décrochés par le leader Leicester City. Quel camp pourra donc afficher un large sourire dans le quartier ? Réponse samedi.