vendredi 10 juillet 2020, 13:33

10 juillet 1960 : La Russie et Yashin tissent leur toile

  • En ce 10 juillet 2020, retour sur un match de légende disputé le 10 juillet 1960

  • Cette rencontre a opposé l'Union Soviétique et la Yougoslavie à Paris

  • Lev Yashin s'était particulièrement distingué

L'Europe est souvent appelée le "Vieux Continent" et c'est indiscutablement le cas en termes footballistiques. La discipline a été inventée en Angleterre et les Français Jules Rimet et Henri Delaunay ont accouché de son tournoi le plus prestigieux, la Coupe du Monde de la FIFA™. Des compétitions comme la FA Cup anglaise ou le championnat des Pays-Bas et certains clubs, parmi lesquels Nottingham Forest, Le Havre ou les Glasgow Rangers, ont vu le jour avant même que le football ne commence son expansion mondiale sous l'impulsion de pionniers européens tels qu'Alexander Hutton, Thomas Donohue, David Scott, et Henry Mortimer Durand.

Cet avant-gardisme ne s'est curieusement pas traduit sur la scène internationale. Malgré les suggestions d'un certain Delaunay, trois décennies auparavant, l'UEFA n'organisait toujours pas de compétition continentale à la fin de l'année 1957. La Coupe d'Asie de l'AFC et la Coupe d'Afrique des Nations de la CAF existaient pourtant déjà à l'époque, alors que les "Anges aux figures sales" avaient permis à l'Argentine de décrocher sa 11ème Copa América, une compétition créée en 1916 et comptant déjà 25 éditions.

Les qualifications pour le premier Championnat d'Europe de l'UEFA de l'histoire ont finalement démarré en 1958, avec la victoire 3:1 de l'Union Soviétique, championne olympique, face à la Hongrie. Quinze autres pays se sont disputé les quatre billets en jeu pour France 1960, mettant aux prises quelques grands noms de la discipline comme Florian Albert, Mario Coluna, Alfredo Di Stefano, Josef Masopust, Harald Nielsen, Ferenc Puskas, Luis Suarez et Lev Yashin.

Seules huit équipes ont survécu à l'écrémage du tour préliminaire et du premier tour. Battue d'une courte tête lors du match aller, la Yougoslavie est parvenue à se qualifier pour la phase finale en écrasant le Portugal 5-1 à Belgrade, alors que la Tchécoslovaquie et la France ont respectivement écarté la Roumanie et l'Autriche au meilleur des deux manches. L'Union Soviétique, de son côté, est passée sans combattre suite au refus de l'Espagne de se déplacer à Moscou.

Les quatre pays qualifiés avaient tous des arguments à faire valoir. Intraitable face à l'Allemagne (6:3) lors du match pour la troisième place de la Coupe du Monde 1958, la France avait affiché une moyenne de près de quatre buts par match lors de ce tournoi et disposait en outre de l'avantage du terrain. L'Union Soviétique et la Yougoslavie avaient atteint la finale des Jeux Olympiques de 1956 et la "génération dorée" tchécoslovaque terminera, plus tard, à la deuxième place de la Coupe du Monde et du tournoi olympique.

Lors d'une première demi-finale palpitante, à Paris, la Yougoslavie a marqué à trois reprises dans les 15 dernières minutes pour remonter un déficit de deux buts et s'imposer 5-4 face à la France. Un peu plus tard, ce mercredi, à Marseille, un doublé de Valentin Ivanov a permis à l'Union Soviétique de l'emporter 3:0 face à la Tchécoslovaquie, dont le numéro 7, Josef Vojta, a manqué un penalty, sans doute déstabilisé par la réputation du gardien soviétique Yashin dans l'exercice.

Le jour en Or de l'Araignée Noire

La finale s'est disputée trois jours plus tard, au Parc des Princes, il y a exactement 65 ans. Il ne fallait pas attendre longtemps pour assister aux premiers duels, très engagés, et seuls les réflexes des deux gardiens Yashin et Blagoje Vidinic retardaient l'ouverture du score jusqu'à la fin de la première mi-temps. C'est à ce moment-là que Milan Galic, d'une superbe tête, permit à la Yougoslavie de prendre l'avantage sur un centre de Drazen Jerkovic venu de la droite.

Les Yougoslaves auraient pu doubler la mise sans un grand Yashin. Le Moscovite détournait superbement un coup-franc puissant de Kostic, avant de s'interposer face à Gacil, à bout portant. Son homologue yougoslave, Vidinic, n'avait pas la même réussite, quelques minutes plus tard, détournant une frappe de Valentin Bubukin dans les pieds de Slava Metreveli, qui offrait, à la 49ème minute, l'égalisation aux hommes de Gavril Kachalin.

Vidinic se rachetait néanmoins en se déployant de tout son long pour boxer une tentative d'Ivanov qui prenait tout droit le chemin des filets. De l'autre côté du terrain, Yashin poursuivait son récital, avec une série de parades époustouflantes. Et lorsque le portier soviétique semblait battu, Jerkovic était trop court pour reprendre un bon centre. La finale allait se jouer aux prolongations.

Après 113 minutes de jeu, Mikheil Meskhi effaçait son vis-à-vis sur le côté gauche avant de délivrer un centre millimétré sur la tête de Ponedelnik, qui battait Vidinic de près pour faire des Soviétiques les premiers champions d'Europe de l'histoire. "Certains matches et certains buts sont à part, un peu comme l'apogée de la carrière d'un joueur. C'était le cas pour moi ce jour-là", évoquera plus tard le buteur victorieux.

Le jour de gloire de Ponedelnik ne suffisait pourtant pas à éclipser la performance de Yashin. "Les arrêts qu'il a réalisés lors de ce match étaient exceptionnels", confiait après coup le capitaine soviétique Igor Netto. "L'Europe comptait de grands joueurs à l'époque, mais Yashin était le meilleur d'entre tous." L'Araignée Noire, son surnom, a pris la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie dans sa toile et permis à l'Union Soviétique d'être à jamais le premier pays à avoir son nom gravé sur le trophée Henri Delaunay.